Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/228

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et beaucoup de plantations, œuvres de l’homme célèbre dont je m’enquérais. Je respirais à peine en arrivant à l’histoire de la ruine d’un si grand innovateur. « Vous êtes malheureux qu’un homme se soit ruiné par cet art que vous aimez tant. » C’était la vérité. Mais il me remit à mon aise en m’annonçant que cela ne serait jamais arrivé si le marquis se fût contenté de faire valoir et d’améliorer ses domaines. Un jour, comme il cherchait de la marne, sa mauvaise étoile lui fit découvrir une veine de terre parfaitement blanche, ne donnant pas d’effervescence avec les acides. Il crut avoir du kaolin, montra sa terre à un fabricant, qui la déclara excellente. Son imagination s’enflamma ; il crut changer Tourbilly en une grande ville en y créant une manufacture de porcelaine. Il entreprit tout à ses frais, éleva les bâtiments, réunit tout ce qu’il fallait hors le capital et le savoir-faire. À force d’essais, il fit de la bonne porcelaine, fut volé par ses agents et ses ouvriers, puis ruiné. Une savonnerie qu’il établit également, ainsi que plusieurs procès à propos d’autres biens, contribuèrent aussi à sa perte ; ses créanciers saisirent le domaine, en lui permettant de l’administrer jusqu’à sa mort. C’est alors qu’il fut vendu. La seule partie de ce récit qui diminua mes regrets fut que, bien que marié, il n’avait pas laissé d’enfants ; de sorte que ses cendres dormiront en paix sans être avilies par une postérité misérable. Ses ancêtres avaient acquis ce bien par mariage dans le quatorzième siècle. M. Galway réitéra ses assurances que les améliorations du marquis ne lui avaient porté aucun préjudice ; elles ne furent ni bien exécutées, ni assez largement conduites par lui ; mais elles donnèrent plus de valeur au domaine, et jamais on n’avait dit qu’elles lui eussent causé la moindre difficulté. Je