Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/248

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montrèrent aussi habiles : dans leur réponse, elles prièrent et supplièrent le clergé de venir les joindre dans la salle commune des états pour délibérer. On ne le sut pas plus tôt à Paris, que le clergé en devint doublement un objet de haine, et que les politiques du café de Foy se demandèrent si les communes n’avaient pas le droit d’appliquer, par un décret, les biens de cet ordre au soulagement de la détresse du peuple.

Le 11. — J’ai beaucoup vu de monde aujourd’hui et ne puis m’empêcher de remarquer qu’il n’y a pas d’idées arrêtées sur les meilleurs moyens de faire une nouvelle constitution. Hier, l’abbé Sieyès a fait une motion dans les communes pour déclarer formellement aux ordres privilégiés que, s’ils ne veulent pas se réunir à eux, ils procéderont sans leur assistance à l’expédition des affaires nationales ; les communes y ont adhéré avec un amendement insignifiant. On parle beaucoup des conséquences de cette mesure, et aussi sur ce qui pourrait arriver du refus des deux autres ordres de délibérer en commun, de leur protestation contre ce qui se ferait sans eux, et de leur appel au roi pour obtenir la dissolution des états et leur reconstitution sous une forme plus favorable à l’arrangement des difficultés présentes. Dans ces discussions excessivement intéressantes, on s’appuie, d’un côté, sur un prétendu droit naturel idéal et chimérique ; de l’autre, on se garde de présenter aucun projet de garanties, rien qui assure le peuple d’être à l’avenir mieux traité qu’il ne l’a été jusqu’ici ; ce serait cependant absolument nécessaire. Mais la noblesse défend les principes des grands seigneurs avec lesquels je m’entretiens ; absurdement entichée de ses vieux privilèges, quelque lourds qu’ils soient pour le peuple, elle ne veut pas entendre parler de céder,