Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/274

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qu’il faut temporiser pour gagner, dans les négociations, ce que la force mettrait en question ; qu’en poussant les choses à l’extrême, on s’expose à une coalition des autres ordres avec l’armée, le parlement et même cette partie prépondérante du peuple qui désapprouve les excès. Quand à tout cela on ajoute la possibilité de jeter le pays dans une guerre civile, avec laquelle on est si familiarisé que son nom est sur toutes les lèvres, nous devons avouer que, si les communes refusent obstinément ce qui leur est proposé, elles exposent d’immenses bienfaits assurés aux hasards de la fortune, qui peut-être les fera maudire par la postérité, au lieu de faire bénir leur mémoire comme celle de vrais patriotes qui n’avaient en vue que le bonheur de leur pays. Les oreilles me bourdonnaient de politique depuis quelques jours, j’allai m’en refaire à l’Opéra-Italien. Rien ne valait pour cela la pièce que l’on donnait : la Villanella rapita, de Bianchi, composition vraiment délicieuse. Croirait-on que ce même peuple qui naguère n’estimait d’un opéra que les danses et n’entendait que des orages de cris, suit maintenant avec passion les mélodies italiennes, les applaudit avec goût et avec enthousiasme, et cela sans qu’elles empruntent le secours d’un seul pas ! La musique est charmante, élégamment enjouée, légère et gracieuse ; il y a, pour la signora Mandini et Vigagnoni, un duo de premier mérite. La Mandini est une cantatrice qui vous fascine : sa voix n’est rien ; mais sa grâce, son expression, son âme, s’harmonisent dans une exquise sensibilité.

Le 25. — La conduite de M. Necker est sévèrement critiquée, même parmi ses amis, aussitôt qu’ils sortent d’un certain monde. On assure positivement que