Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/278

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à Paris pour envoyer une députation à l’Assemblée nationale, grands comme petits ne parlaient de rien moins que d’une révolution dans le gouvernement et de l’établissement d’une libre constitution. Ce qu’on entend par libre constitution n’est pas difficile à deviner : c’est la République ; car les doctrines du temps y tendent de plus en plus chaque jour ; on dit toutefois que l’État doit conserver la forme monarchique ou que, du moins, il y a besoin d’un roi. On est étourdi dans les rues par les colporteurs de pamphlets séditieux et de relations d’événements chimériques dont la commune tendance est de maintenir le peuple dans la frayeur et l’incertitude. Il n’y a pas d’exemple d’une nonchalance, d’une stupidité pareilles à celles de la cour. Le moment demanderait la plus grande décision ; et hier, pendant que l’on discutait s’il serait doge de Venise ou roi de France, le roi était à la chasse ! Jusqu’à onze heures du soir, et comme nous en avons été informés ensuite, presque jusqu’au matin le Palais Royal a présenté un spectacle curieux. La foule était prodigieuse ; on faisait partir des pièces d’artifice de toutes sortes, et tout l’édifice était illuminé ; les réjouissances se faisaient pour célébrer la réunion du duc d’Orléans et de la noblesse aux communes ; elles se joignaient à la liberté excessive ou plutôt à la licence des orateurs populaires. Ce bruit, cette agitation, les alarmes excitées un peu auparavant, ne laissent pas respirer la foule et la préparent singulièrement pour exécuter les projets, quels qu’ils soient, des meneurs de l’Assemblée : elle est entièrement contraire aux intérêts de la cour ; des deux côtés, même aveuglement, même infatuation. Tout le monde comprend aujourd’hui que le projet de la séance royale est hors de question. Au moment que les communes, averties par la circonstance