Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/289

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que pour habiter un château comme celui-ci, avec six domestiques mâles, cinq servantes, huit chevaux, entretenir un jardin, etc., etc., tenir table ouverte, recevant quelque société, sans jamais aller à Paris, il faut environ mille louis de revenu. En Angleterre, ce serait deux mille. Il y a donc entre les modes de vie, et non pas entre le prix des choses, cent pour cent de différence. Il y a des gentilshommes qui vivent ici pour 6 à 8000 liv. (262 à 320 liv. st.) avec deux domestiques, deux servantes, trois chevaux et un cabriolet ; en Angleterre, il y en a qui mènent le même train, mais ce sont des prodigues.

Parmi les voisins qui visitaient Nangis se trouvaient M. Trudaine de Montigny et sa jeune et jolie femme. Ils ont un beau château à Montigny et un domaine donnant un revenu de 4000 louis. Cette dame était une demoiselle de Cour-Breton, nièce de M. de Calonne ; elle avait dû épouser le fils de M. de Lamoignon, mais elle y avait la plus grande répugnance. Trouvant que les refus ordinaires ne lui servaient de rien, elle se résolut à en donner un qui ne laissât aucune réplique : elle se rendit à l’église, selon les ordres de son père, mais là elle répondit un non solennel au lieu du oui qu’on attendait ; elle s’en fut ensuite à Dijon, d’où elle ne bougea pas ; le peuple la salua de ses acclamations pour avoir refusé de s’allier avec la cour plénière ; partout on loua très fort sa fermeté. Il y avait aussi M. de la Luzerne, neveu de l’ambassadeur de France à Londres, qui voulut bien m’informer dans un anglais pitoyable qu’il avait pris des leçons de boxe de Mendoza. Personne ne serait bien venu à dire qu’il a voyagé sans profit. Est-ce que le duc d’Orléans, lui aussi, aurait appris à boxer ? Mauvaises nouvelles de Paris ; le trouble s’accroît ; les alarmes sont telles que la