Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/317

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et en tous lieux de quelques tristes scènes ; si je ne m’étais pas déclaré Anglais, et dans l’ignorance de cet ordre, je ne m’en serais pas tiré à si bon marché. J’achetai immédiatement une cocarde, mais la friponne qui me la vendit la piqua si mal, qu’elle tomba à la rivière avant que j’eusse gagné l’Isle, où je courus encore le même danger. Il était inutile de me dire Anglais ; j’étais un seigneur déguisé peut-être, mais certainement un coquin de première volée. En ce moment, un prêtre arriva dans la rue, une lettre à la main ; le peuple s’amassa autour de lui, et il lut à haute voix des nouvelles de Béfort, sur le passage de M. Necker, avec quelques traits généraux de la situation de Paris, et des assurances que la position du peuple s’améliorerait. Quand il eut fini, il exhorta la foule à s’abstenir de toute violence et l’engagea à ne pas se bercer de l’idée que les impôts disparaîtraient entièrement, comme s’il avait la conviction que cet espoir devenait général.

On m’entoura de nouveau quand il se fut retiré, on se montra soupçonneux, menaçant ; la position ne me semblait rien moins que plaisante, surtout lorsque quelqu’un proposa de s’assurer de moi jusqu’à ce que des personnes connues se portassent mes cautions. J’étais sur le perron de l’hôtel, je demandai à dire quelques mots. Pour leur prouver que j’étais bien Anglais, comme je l’avais dit, je désirais expliquer une particularité des taxes dans mon pays, qui servirait de commentaire à ce qui avait été avancé par M. l’abbé, et que je ne croyais pas absolument juste. Il avait avancé, qu’il fallait que les impôts fussent acquittés comme on l’avait fait jusque-là ; qu’ils dussent être payés, il n’y a pas de doute, mais non pas comme ils l’ont été, car on pourrait imiter en ceci l’Angleterre. Nous avons, messieurs,