Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/322

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ai plusieurs d’autres villes de France ; il y en a même d’adressées à Vesoul et à Arbois : ouvrez-les et lisez-les, et vous trouverez que je ne suis pas inconnu ailleurs, bien que je le sois à Besançon. — N’importe, je ne vous connais pas ; il n’y a personne ici qui vous connaisse, ainsi vous n’aurez point de passeport. — Je vous dis, Monsieur, que ces lettres vous expliqueront… — Il me faut des gens, et non pas des lettres, pour m’expliquer qui vous êtes ; ces lettres ne me valent rien. — Cette façon d’agir me paraît assez singulière ; apparemment que vous la croyez très honnête ; pour moi, Monsieur, j’en pense bien autrement. — Eh ! Monsieur, je ne me soucie de ce que vous en pensez. — En vérité voici ce qui s’appelle avoir des manières gracieuses envers un étranger ; c’est la première fois que j’ai eu affaire avec ces messieurs du tiers état, et vous m’avouerez qu’il n’y a rien ici qui puisse me donner une haute idée du caractère de ces messieurs-là. — Monsieur, cela m’est fort égal. — Je donnerai, à mon retour en Angleterre, le détail de mon voyage au public, et assurément, Monsieur, je n’oublierai pas d’enregistrer ce trait de votre politesse, il vous fait tant d’honneur et à ceux pour qui vous agissez ! — Monsieur, je regarde tout cela avec la dernière indifférence. »

Le ton de mon interlocuteur était encore plus insolent que ses paroles ; il feuilletait ses paperasses de l’air véritablement d’un commis de bureau. Ces passeports sont des choses nouvelles d’hommes nouveaux, avec un pouvoir tout neuf ; cela montre qu’ils ne portent pas trop modestement leurs nouveaux honneurs. Ainsi il m’est impossible, sans donner de la tête contre le mur, de voir Salins ou Arbois, où M. de Broussonnet m’a adressé une lettre ; mais il me faut courir la chance et gagner aussi vite que possible Dijon, où le président de Virly me connaît pour avoir passé quelques