Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/412

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le royaume, s’avance rapidement vers un changement complet ; que les plus grands progrès sont dus à la pitié qu’inspire le roi et à l’improbation de quelques mesures prises dernièrement par l’Assemblée. Ils disent qu’il serait absurde de rien tenter maintenant pour le roi, que sa position actuelle fait plus pour sa cause que toute autre force, le sentiment général de la nation se déclarant en sa faveur. Ils ne se font pas scrupule de dire qu’un effort vigoureux et bien concerté le placerait à la tête d’une puissante armée, à laquelle se joindrait bientôt un grand corps trop outragé. Je répliquai qu’un honnête homme devait espérer que cela n’arriverait point ; car si une contre-révolution réussissait, la France gémirait sous un despotisme beaucoup plus lourd qu’auparavant. Ils n’en voulaient pas convenir ; ils croyaient, au contraire, qu’aucun gouvernement ne serait assuré qu’en donnant au peuple des droits et des privilèges bien plus étendus que ceux qu’il possédait sous l’ancienne constitution. Dîné chez mon compagnon de voyage, M. de Nicolaï ; dans la compagnie se trouvait, suivant la promesse du comte, M. Decrétot, célèbre fabricant de Louviers, qui m’apprit l’étendue de la détresse présente en Normandie. Les filatures qu’il m’avait montrées l’année dernière à Louviers sont arrêtées depuis neuf mois, et le peuple, dans sa croyance que les machines lui étaient nuisibles, a détruit tant de métiers, que le commerce est dans une situation déplorable. Accompagné le soir M. Lazowski à l’Opéra italien. On donnait il Barbiere di Siviglia, de Paesiello, une des compositions les plus agréables de ce maître vraiment grand. Mandini et Raffanelli sont excellents, Baletti a une voix fort douce. Il n’y a pas en Italie d’opéra-comique comme celui de Paris, la salle est toujours pleine ; cela fera