Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/422

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Le 17. — C’est en vain que l’on a pressé le roi d’accepter le plan dont j’ai parlé hier. Sa Majesté l’a reçu de façon à laisser peu d’espoir de le voir adopter : mais le marquis de La Fayette le soutient si vigoureusement, que, loin de l’abandonner tout à fait, on le représentera à quelque moment plus favorable. Les royalistes qui connaissent ce projet (car il n’est pas public) sont enchantés de son échec. On attribue le refus à la reine. Une autre cause de grandes inquiétudes pour les chefs de la révolution, ce sont les rapports que l’on reçoit journellement des provinces, sur la misère, la faim même qui tourmentent les manufacturiers, artisans, marins ; elles prennent de plus en plus un caractère sombre et rendent d’autant plus alarmante l’idée d’efforts pour arrêter la révolution. La seule industrie encore florissante est le commerce avec les colonies sucrières, et l’idée d’émanciper les noirs, ou au moins d’en arrêter la traite (idée venue d’Angleterre), a jeté Nantes, Bordeaux, le Havre, Marseille et les autres villes intéressées à ce commerce, quoique indirectement, dans une extrême agitation. Le comte de Mirabeau se dit sûr d’obtenir un vote qui abolisse l’esclavage ; c’est la conversation du jour, surtout parmi les meneurs, qui disent que la révolution étant fondée sur la philosophie, et supportée par la métaphysique, un tel projet ne peut que lui convenir. Mais certainement aussi, le commerce dépend plus de la pratique que de la théorie, et les planteurs et les négociants, venus à Paris pour s’opposer à cette mesure, sont mieux préparés à montrer l’importance de leurs transactions, qu’à raisonner philosophiquement sur l’abolition de l’esclavage. Plusieurs brochures ont paru sur ce sujet dont quelques-unes méritent l’attention.