Page:Yver - L Enfant de la balle.djvu/65

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chaque jour, lorsqu’elle revenait de chez M. Lannoy, sa carte sous le bras, avec des allures de petite femme, elle montait gravement dans sa chambre. Là, elle s’installait à son bureau pour faire ses devoirs. Au déjeuner, elle entretenait avec son père adoptif des conversations serrées ; puis, le repas achevé, elle allait, sans perdre de temps, étudier son piano et roulait sur le clavier jauni ses gammes monotones. Après, venait la promenade ; et M. Patrice, qui l’observait tous les jours, se désolait. Jen était triste, Jen s’ennuyait. Elle accomplissait ponctuellement sa tâche de la journée, mais avec une sorte de résignation, comme si elle avait eu sur le cœur un gros poids qui l’accablait.

— As-tu quelque chose, mignonne ? demandait parfois M. Patrice, d’un air inquiet ?

— Mais je n’ai rien du tout, père, répondait l’enfant.

Un jour, il se hasarda à dire :

— Tu t’ennuies ici, Jen, tu es malheureuse. La fillette lui jeta les bras autour du cou et l’assura, en l’embrassant, qu’au contraire elle n’avait jamais été si heureuse de sa vie. Et, pendant quelques jours après, elle s’efforça d’être gaie ; puis, peu à peu, la vivacité de cette impression s’effaçant, la mélancolie reprit le dessus.

Un dimanche, que les « Jean » étaient venus dîner, et qu’après le repas, l’enfant, prise d’un