Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/344

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Il était si grave, si réfléchi pour son âge, qu’Alembert négligeait de le faire conduire au lycée, dont ils étaient proches voisins. D’ailleurs il entendait laisser à son fils une liberté très large. Présumant que Marcel désirait avoir des nouvelles de sa mère, en dehors des entrevues du jeudi, il lui déclara :

— Mon enfant, tu pourrais écrire à ta maman et recevoir ses lettres sans même m’en informer.

Mais il observa que, malgré cette permission, le petit garçon n’avait nulle correspondance. Et il en fut blessé comme d’une preuve de méfiance que lui eût donnée sa femme. Cependant l’extrême déférence de son fils le peinait bien autrement. Alors qu’il avait rêvé d’une intimité amicale, où il eût forgé à son gré cette âme enfantine, il se heurtait à une politesse tranquille et résignée qui le glaçait. Il aurait préféré des manquements graves, des révoltes, des emportements dans lesquels un cœur adolescent se met à nu Mais que Marcel se soumît à un désir de son père, qu’il l’accompagnât à la promenade, qu’il lui tendit son front à baiser, il semblait toujours soupirer : « Il le faut, tu vois, j’obéis. » Et cet homme sentimental se disait, chaque jour, amèrement :

« Mon enfant n’est plus à moi !… »

Aux premières brumes, l’ingénieur eut un refroidissement auquel succéda une légère grippe. Ce mal sans gravité, qui porte à la tristesse,