Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/345

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contribua à L’affecter davantage. Avec une parfaite ponctualité, Marcel, aussitôt rentré du lycée, venait s’informer de lui. Un matin, dans une crise d’idées noires, Alembert s’écria :

— Ah ! tiens, si je pouvais faire une bonne fièvre et que tu fusses débarrassé de moi, voilà qui arrangerait les choses !

Marcel se retira, très pale et sans répondre ; et il avait l’air si chagriné que le père regretta sa boutade. Le soir, sous l’oreiller, il trouva une enveloppe à son adresse, que son fils y avait glissée timidement. C’était une vraie lettre. Le papier tremblait dans sa main quand il lut :

Pourquoi m’as-tu tant froissé ce matin ? et quel tort ai-je envers toi ? Comment peux-tu supposer que je ne t’aime pas ? Si tu crois que je ne remarque pas ta bonté, tu te trompes. Tu es un père très bon, je n’ai plus sept ans et je le sais bien. J’ai cependant le droit d’avoir du chagrin quelquefois, mais, si tu ne veux pas qu’il redouble, ne me dis plus des choses si pénibles.

Ces phrases mesurées, pesées par l’enfant prématurément délicat qui les avait écrites, touchèrent Alembert mais lui révélèrent aussi dans l’âme de son fils des profondeurs insoupçonnées. D’ailleurs, comment sa femme avait-elle façonné cette âme-là pour l’amour filial ? Que pensait au juste de son père ce gamin aux airs implacables ? Néanmoins, quand le petit, au moment de se coucher, revint près du chevet, Alembert le saisit passionné-