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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/132

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— Oh ! se hâta de reprendre modestement Jean Charleman, je ne ferai jamais aucune comparaison entre ma pauvre petite Denise si puérile, si simplette dans son bon sens, et Mme Rousselière qui est un cerveau, une force morale, une sensibilité déguisée sous un rigorisme de façade. Mais je pense que, malgré les supériorités de ta femme, elle et la mienne sont sans doute également adorables à des titres divers.

Ils se turent car Denise rentrait avec la table du thé.

Celle que Denis avait appelée : « Notre-Dame du Bon-Conseil » le croyait très heureux. Elle l’imaginait nageant en plein bonheur, n’ayant plus rien à désirer. Elle lui jetait à la tête les supériorités de Geneviève. Oh ! il ne voulait pas se plaindre. Certes, son sort était enviable. Cependant, depuis bientôt deux années qu’il était marié il n’avait pas eu d’elle que des joies. Quelle concession lui avait-elle accordée ? Quelle preuve d’amour absolu lui avait-elle donnée ? Beaucoup de petits gages, oui. De tendres mots qui dans cette « bouche cousue de Bretonne », comme il disait, prenaient une singulière saveur. Une vigilance continuelle autour de son existence matérielle ; une estime qu’il lisait dans ses beaux yeux humides si loyaux, si droits ; de petits soins même, autant que ses pauvres loisirs lui en permettaient : les boutons glissés à ses manchettes le matin avant de partir pour le bureau ; à table, une recherche de ce qu’elle appelait « ses nourritures excentriques du midi » ; une attention vigilante et visible autour de sa personne. Mais qu’étaient ces détails auprès du grand renoncement qu’il désirait tant et qui lui aurait livré sa femme sans partage ? C’est vingt fois le jour qu’il était secrètement contrarié, blessé, meurtri, humilié, par