Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/137

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Depuis quelque temps, en particulier, elle manifestait une certaine hâte à cette sortie. Et la concierge la voyant prendre prestement la voiture pensa que c’était un ordre de Mme Rousselière, afin que l’enfant profitât davantage de la saison qui venait.

La vérité n’était pas là…

Autrefois, Ninette redoutait un peu cette place de la Porte de Saint-Cloud dont la traversée lui paraissait si périlleuse. On était attaqué en tous sens, de flanc, de face, de dos par les autos qui débouchaient sur cette vaste esplanade de chacune des rues y aboutissant. Ces voitures, là, vous arrivaient dessus sans bruit comme des flèches. Si elles jouaient du klakson, c’était bien pire : on se jetait sur l’une pour éviter l’autre. Il est vrai que le petit carrosse confortable qu’elle poussait lui était une protection : les agents sur son passage levaient leur bâton blanc et tout s’arrêtait pour lui abandonner le terrain « comme si elle avait été une grande duchesse », selon sa propre expression. Mais il n’y avait pas toujours d’agent. Du moins autrefois…

Aujourd’hui, tout a changé. Elle est bien tranquille. Elle traverse « dans un fauteuil », comme elle dit. C’est depuis que ce jeune agent blond se tient toujours à l’heure de son passage au coin de la rue Michel-Ange. Pour elle, pas de bâton blanc. Pas de coup de sifflet. Il emboîte le pas à ses côtés et la met dans le chemin du Bois. Ni plus ni moins. Ils ont fini par échanger quelques propos. Un jour, il lui a demandé :

— C’est à vous ce beau gosse-là ?

— Pensez-vous ! a répondu Ninette offensée. Je ne suis pas mariée. Je suis « gouvernante » dans une bonne maison.

Car elle tient à l’estime du jeune agent et elle a pensé que le mot de « gouvernante » ferait bien