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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/138

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sur son esprit. Ninette, pour promener Pierre Rousselière est d’ailleurs vêtue de noir avec un beau col blanc calamistré qui, malgré le petit feutre rond de tout le monde, lui crée en quelque sorte une « personnalité hospitalière ». La verte façon dont elle a répondu aura pu le décourager. Mais tant pis ! Elle est une honnête fille. Pas d’histoires ! Si Madame les apprenait, Ninette en aurait trop de honte. Pour elle, sa conscience, c’est Madame. Elle juge tout d’après ce critérium : « Qu’est-ce que Madame dirait de cela ? »

Eh bien ! sa verte réponse n’a pas découragé du tout le jeune agent. Au contraire, le voilà devenu plus gentil que jamais, Et cette fois avec, par moments, un brin de cérémonie. Jamais, quand son service le permet, il ne manque le rendez-vous tacite du coin de la rue. Et c’est toujours lui qui devance Ninette. Bien que la traversée de l’esplanade soit brève, ils se sont fait de demi-confidences : « Moi, je suis de Puteaux. » — « Moi, je suis de la Bretagne. » — « Nous autres, nous étions sept enfants. » « Nous autres, onze, on était. » Chaque fois qu’elle l’a vu, c’est-à-dire presque tous les jours, Ninette met dans sa petite boîte en coquillages une perle de verre venu d’un collier défait. Elle les compte de temps en temps. Il y en a treize. Il y en a dix-sept.

— Comme il est bien ! soupire-t-elle.

La nouvelle saison s’affirmait. Avril était venu. Une belle journée. Un beau soleil. Une accalmie sur la place. On aurait dit que les voitures faisaient exprès de ne pas passer.

— Comment vous appelle-t-on ? demanda ce jour-là le jeune agent.

— Ninette.

— Moi, Georges.

Un grand silence. Puis de nouveau :