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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/196

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trait le soir de l’étude épuisé d’avoir travaillé pour sa nichée, la vigilance de la mère qui créait un tel bien-être bourgeois dans cet intérieur à l’apparence bohême, tout cela lui revenait à la mémoire sous la vision d’un petit paradis. Certes, son intérieur actuel était plus élégant que celui de sa jeunesse. L’appartement de la Porte de Saint-Cloud ravissait tout le monde. Mais on disait « l’appartement », non pas « la maison » comme rue du Mont-Cenis. Peut-être quand sa petite fille serait née, grâce à un enfant de plus, à une famille plus étoffée, y trouverait-on davantage une impression de nid…

Au sujet de son mari elle éprouvait aussi un sentiment singulier, comme dans un rêve un peu fiévreux où quelqu’un n’est ni absent, ni tout à fait présent. Chaque soir pourtant, il rentrait du bureau avant sept heures, un peu en retard seulement les jours où la fantaisie lui était venue d’une promenade à pied pour le retour chez lui. Il la prenait aux épaules et la serrait pour de longs baisers, comme toujours. Parfois même, il plaisantait, disait : « Bonjour madame Sous-Chef ! Comment avez-vous passé la journée, madame Sous-Chef ? » Mais à table il fallait lui arracher les paroles. Et « Tu as vu ta mère ? Comment se portait-elle ? » Et : « As-tu rencontré Charleman ? » Elle essayait aussi de l’intéresser aux occupations de sa propre journée : « Tu sais que je suis en train de débrouiller un dossier que votre bureau m’a envoyé, relatif à un certain procès de l’Administration des Domaines et du Timbre, contre les riverains de la Loire qui réclament la possession des levées de terrain opérées en vue des inondations. La Préfecture intéressée vous l’avait envoyé…

— Oui, repartait distraitement Denis ; je sais.