Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/45

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situation actuelle, et serrant les mains de Geneviève, la laissa enchantée d’une belle-mère si enthousiaste.

— Je l’aimerai, je vous le promets, Denis, dit Geneviève, à peine Mme Rousselière eut-elle fermé la porte. Elle est délicieuse votre mère ! Le garçon étouffait de bonheur. Son bonheur était complet, total puisque ses deux grands amours, loin de se combattre comme il le redoutait, s’enchaînaient pour ainsi dire l’un à l’autre, formeraient une sorte de mystère humain qui braverait les vieux slogans selon lesquels belles-mères et belles-filles sont contraintes à s’entre-déchirer.

— … Cependant, ne put retenir plus longtemps Geneviève, qu’a-t-elle donc voulu dire en déclarant que vous me remplaceriez au tableau ? A-t-elle l’intention d’en effacer mon nom ?

— Mais, chérie, quand nous serons mariés, je compte bien que vous abandonnerez l’administration ; que vous ne continuerez pas la course à l’avancement, la course aux rivalités, la course même à la ponctualité journalière. Je ne vous vois pas dès le petit matin fuir en hâte notre foyer, délaisser notre intérieur, l’asile de notre vraie vie, de notre vie profonde, façonné par notre amour pour notre amour, afin de courir à cette autre vie du bureau, artificielle, mesquine, déformante, où se déplacera l’axe de vos pensées, de vos sentiments. Avez-vous pu, avez-vous pu imaginer, Geneviève, que je vous laisserais vous fatiguer, vous épuiser, vous dessécher durant toute votre existence dans ces besognes ingrates, dans ce commerce des échanges administratifs dont la langue même présente une affreuse barbarie ? Et cela pendant que notre intérieur, devenu une auberge de passage, tomberait à une sorte d’aban-