Page:Yver - Mirabelle de Pampelune.djvu/246

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ment son nez de petit chien. « Toucher le quart d’un bœuf pour son déjeuner, pense Nénette, voilà ce qui n’arrive qu’en Argonne. L’Argonne est un pays de Cocagne. Mais pourquoi mes hommes, alors, ont-ils ce sérieux, cette gravité que je ne leur ai jamais connue ? »

Ah ! l’on ne chante plus ici Marl’brough ni la Chanson des godillots. Balandard n’entonne plus de périodes tonitruantes contre les Boches. Pas-de-Chance n’a plus aucune blague à lancer. Minerbe, les sourcils froncés, a vieilli de dix ans. Nida (Raymond) a quitté la région de ses fèves ; le plus terrible roman qu’il ait jamais lu il le joue aujourd’hui, et le principal personnage c’est lui-même. Crenn, Loïk, les jumeaux Hervé, tous les Bretons silencieux paraissent avoir donné aux autres la note de circonstance. On se tait. On marche d’un pas ferme. Mais l’on ne rit plus, car la mort est partout alentour. Elle vous siffle aux oreilles d’un air moqueur, elle vous harcèle, vous nargue, de ces mille balles invisibles qui parfois vous frôlent les cheveux ; elle vous menace du bruit