Page:Yver - Mirabelle de Pampelune.djvu/292

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Voici les quais de Rouen avec les grands steamers aux mâtures légères, aux cheminées géantes, dont la coque puissante s’élève doucement au-dessus des eaux, à mesure qu’on vide leurs entrailles des barriques de vin, ou des balles de pâte à papier. On y sent le goudron et le cigare. Des tramways s’entrecroisent sur la chaussée ; le trottoir borde de hautes maisons moroses, noircies par les fumées. Corporal Teddy Jackson se sent le gosier sec. Un estaminet, où sont rangés le long des tables les bustes khaki, les visages rasés, les casquettes à l’air neuf de ses camarades, l’attire. Le voilà maintenant assis devant un demi, blond et mousseux, où il trempe ses lèvres. Moment unique, moment divin pour un soldat anglais qui peut alors s’en aller, en toute liberté, au pays des rêves. Teddy se détend. Il inventorie ses richesses mobilières. Sur la table s’aligne bientôt ce qu’il possède, à savoir une montre fine et plate d’acier bruni, un solide couteau nickelé avec tourne-vis et tire-bouchon ; une charmante petite balle allemande, bijou d’argent délicat et pointu, celle