Page:Yver - Mirabelle de Pampelune.djvu/293

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qui s’était insérée dans son front, là où vous voyez, sous la visière de sa casquette, une dépression à loger le pouce, et enfin cette honorable pipe, véritable sweetheart de Teddy, sa plus chère amie, payée trois pence à Saint-Omer le jour du départ et qui n’a pas quitté ses lèvres depuis dix-huit mois. Elle est de terre brune et, souvenir insigne, portait naguère un petit ornement caudal que l’autre jour, entre Zillebeke et Ypres, une balle boche lui enleva net, sans que les dents de Teddy incrustées au tuyau lâchassent prise. Une cicatrice demeure. Ceci vous explique les soins que met corporal Jackson à bourrer cet objet précieux. D’abord une pincée de tabac blond qui sent le thé, les parfums d’Orient, est longuement triturée dans la paume de la main, jusqu’à devenir tiède et réduite ; puis on enfourne le petit cône odorant dans l’orifice noirci de la pipe ; l’allumage est lent, patient, savant. Une mince fumée bleue monte. Corporal Teddy Jackson, le poing près de son bock, regarde droit devant lui, impassible.

Véritablement, la jeune caissière qui reçoit