Page:Yver - Mirabelle de Pampelune.djvu/54

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Plus accoutumé à l’analyse de ce qu’il éprouve, le libraire parle à son tour :

— Je ne quitterai pas ma librairie, dit-il. Je me grandis peut-être plus qu’il ne sied en pensant qu’il convient que je demeure ici pour défendre contre le pillage de ces barbares les œuvres de l’esprit français dont je suis l’humble gardien. Mais je ne pourrais souffrir qu’en mon absence, ils pénètrent ici, et souillent ou pillent mes collections. J’ai de très beaux Villon. C’est une marchandise qui n’est pas pour le nez de ces gredins. Je sais que pour mon Rabelais, qui est une merveille dont monsieur des Assernes gagnera la jaunisse, à force de l’envier, je pourrais l’emporter avec moi. Mais le meilleur marché de mes Ronsard, mes Voltaire d’occasion, et jusqu’à mes éditions d’auteurs modernes à quatre-vingt-quinze centimes, j’enragerais de les voir devenir la proie de ces sauvages. Non, non : je reste. J’ai un bon browning, et je défendrai ma boutique. Au surplus, j’espère, comme Bouchaud, que les casques à pointe ne viendront pas jusqu’ici, et que nous verrons bientôt la fin de ce