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princesses de science

linge exploraient l’Écosse, Artout était en Suisse, Boussard en Norvège. Des affiches illustrées, sur tous les murs, évoquaient les voyages. On voyait des bateaux fumants, des trains en partance, des sites riants, des montagnes roses parmi les nuages, des paysannes bretonnes, la mer. Des mots, en gros caractères, devenaient obsédants : « Billets… Billets d’aller et retour… Billets d’excursions… Billets de bains de mer… » L’impossibilité de s’en aller lui faisait l’atmosphère plus suffocante, la fatigue plus lourde, le désir de fuir Paris plus tenace. Et il allait de client en client, les épaules voûtées, l’air las ; puis, trois fois par semaine, passant le Petit Pont, il gagnait la rive gauche, et, par le boulevard Saint-Michel, l’École de Médecine. Là, il s’enfermait dans les grands laboratoires sonores, où le soleil s’engouffrait par les baies immenses.

Le soir, il retrouvait sa femme au dîner. L’un et l’autre, fatigués, se plaignaient de la chaleur. Au crépuscule, ils s’accoudaient à la fenêtre, cherchant un peu de fraîcheur. Mais la muraille frissonnante des peupliers d’Italie faisait un grand rideau tendu devant l’air libre : on suffoquait. Ni elle ni lui n’osaient parler de voyages : tous deux y songeaient, cependant ; ils se serraient l’un contre l’autre, sans rien dire, passionnés et muets comme des amants aux rencontres hâtives.

Les lampes allumées, ils reprenaient le labeur, chacun à son bureau, dans des pièces différentes