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princesses de science

— Un enfant ! un enfant de toi ! notre enfant !… il est créé, il vit… Tu ne comprends donc pas ? Mais nous sommes immortels, désormais, nous nous perpétuons ; il sera toi, il sera nous, il prolongera notre vie… Un enfant de toi… quel mystère ! oh ! Thérèse, il me semble que je te chéris plus fort à savoir que tu es mère… Tu es mère, Thérèse, mère !

Il s’exaltait à considérer sa femme, comme si elle était la première à porter dans ses flancs une descendance ; il disait des mots sans suite et ressemblait à un homme ivre. Mais elle s’offensa de cette joie impétueuse :

— Tu n’as pas une pensée pour moi, dans ton orgueil naïf de procréateur. Tu ne sens donc pas l’envolement de tous mes rêves, et ce que cet événement fait de moi qui portais tant d’idées, de projets, de désirs !… Est-ce que je ne suis pas plus intéressante que cet être à peine formé qui te donne des tressaillements d’instinct paternel ?… Suis-je l’individu libre qui a le droit de choisir sa vie, de l’accomplir, ou un instrument passif soumis au génie de l’espèce, simple anneau dans la chaîne humaine ?… Certes je l’aimerai, cet enfant qui va naître, je ne suis pas un monstre, je l’aimerai forcément, comme une bête aime son petit. Mais il n’était pas, il y a quelques jours, je ne le désirais pas, j’avais arrangé mon avenir. Mon année de travail devait être magnifique. Ma thèse s’élaborait ; elle aurait fait quelque bruit, m’eût lancée. J’achevais ainsi mes quatre ans d’internat ; ce stage fait,