Page:Yver - Un coin du voile.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pouvait percer son secret et lire l’amertume de son âme, il la comprendrait, s’y associerait, la partagerait. C’était le visage aux traits un peu durs d’André Bertrand. Lui ne dansait pas non plus. Sur son front ravagé par le travail, une tristesse de plus devait s’être imprimée : on la devinait plus qu’on ne la voyait. Toute sa personnalité était ainsi, profonde, puissante, et ne se décelant pas de prime abord. On s’y méprenait d’ordinaire, et le vulgaire le méconnaissait. Mais la lumière de son intelligence devait forcément émettre un rayonnement qui n’échappait pas aux âmes subtiles. Claudia avait ce soir la perception trop aiguisée pour être insensible à ce magnétisme que deux esprits apparentés exercent l’un sur l’autre. Elle comprit qu’il allait venir à elle, et il vint en effet la chercher pour une danse. Cette fois elle se leva joyeuse, et le suivit.

Il ne lui adressa pas de parole. De son côté Claudia ne pouvait s’expliquer comment, malgré ses préventions, elle avait si vite consenti à passer près de lui le long instant d’une danse. Leur propre silence les gênait l’un et l’autre ;