Page:Yver - Un coin du voile.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toujours vivant, pour qu’elle pût les rejeter à l’oubli. Changer d’être, devenir une femme nouvelle, sa personnalité de fille mûrie qui se voulait survivre s’y refusait. Aimer l’étranger à qui elle allait se donner, certes oui, éperdument et comme elle n’avait jamais aimé personne ; mais comment se détacher de l’autre qui représentait toute son affectivité passée, ce vieux compagnon qui l’avait tant chérie, jadis, dans sa belle lucidité d’homme supérieur, qui s’accrochait à elle aujourd’hui dans sa débilité d’infirme !

Le fiancé revint, l’enlaça doucement ; elle fut reprise.

— Hélène, lui dit-il, trop loyal pour permettre une ombre entre eux deux, je sens en votre âme un grief contre moi. Je lis en vous, mon amie. Vous pensiez que nous aurions pris votre père chez nous. Il ne le faut pas. Je ne crois pas être un homme méchant, mais je veux notre bonheur ; j’ai le devoir de le construire avec tous les soins qu’on apporte à l’architecture la plus frêle, la plus menacée, la plus précieuse. En vérité, Hélène, je vous aime