Page:Yver - Un coin du voile.djvu/233

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esprits ; le parfum mêlé des poires fines, des oranges et de la mousse des corbeilles, s’exhalait. Il fleurait aussi la vanille, le kirsch et le rhum des pâtisseries. On parlait maintenant, en lui prêtant une poésie forte et âpre, de ce grand roulement d’or, semblable à la marche d’un flot, venant de la masse publique à la caisse d’assurance, et retournant dans un cours bienfaisant vers les indigences soudaines, avec la méthode et la précision d’un admirable régulateur. C’était en même temps la thèse et l’image qu’en créait, là-bas au bout de la table, un grand vieillard littéraire, amateur de livres, et s’exprimant avec une espèce de lyrisme. Il voyait là comme un socialisme honnête et de bon ton : « le seul fécond, le seul possible », disait-il ; et un murmure approbateur courut, fait du mot de chacun.

Un seul resta muet. C’était le docteur G…, de l’Institut, vice-président du Conseil d’administration. Frêle, la tête forte, les cheveux gris rejetés en masse soyeuse vers une tempe, les yeux bleus pleins de pensée, la face bilieuse, il prononça quand le silence fut fait :