Page:Yver - Un coin du voile.djvu/61

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qu’elles avaient l’air des chambres d’une grande poupée. La vaillante fille qui animait le logis mettait dans ce décor mièvre et presque pauvre le contraste de son opulente force morale.

Six ans auparavant, elle était arrivée à Paris, armée d’un courage viril pour conquérir le droit de vivre. Son histoire était celle des filles qui ont de la naissance et pas de fortune. Le père, receveur de l’enregistrement en province, avait, avec des prodiges d’économie, dissipé ses appointements dans l’éducation soignée de ses quatre enfants. On avait aujourd’hui, dans la personne des deux aînés, un chimiste et un architecte. La troisième donnait des leçons en ville. Marguerite était la dernière. Elle avait rêvé de gagner son pain autrement qu’en disputant à sa sœur les précieux cachets, si fort en honneur dans la génération précédente. C’était, à dix-neuf ans, une petite personne judicieuse et voyant clair. La beauté de sa sœur, dédaignée de tous les épouseurs, l’instruisit prématurément du peu qu’une fille pauvre est en droit d’attendre du mariage. Le célibat lui apparut comme un état assez mélan-