Page:Yver - Un coin du voile.djvu/63

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Elle eut un logement sur une petite cour, dont la bonne madame Odelin déplorait l’aspect plébéien lorsqu’elle venait voir sa fille. Mais monsieur Odelin venait d’être mis à la retraite et la pension mensuelle de l’étudiante coûtait déjà de gros sacrifices à sa famille lointaine où l’on connaissait toutes les noblesses de cette médiocrité sereine, digne et fière, propre aux fonctionnaires français. Dans ce logis d’ouvrière, Marguerite déjeunait le matin d’une côtelette, dînait d’un œuf à la coque, se bourrait entre temps de livres de Droit. Elle ne manquait pas un cours de l’École, travaillait comme deux garçons, s’habillait de robes qu’elle cousait elle-même durant ses soirées. Et dans cette existence que beaucoup de femmes eussent jugée affreuse, elle gardait une telle aristocratie que plus d’une camarade d’école — quelque Russe anémiée de privations — la croyant riche, venait, la veille du terme, lui emprunter le louis de sa petite réserve qui n’était jamais rendu.

Enfin elle prêta serment devant la Cour. Ce fut une grande cérémonie pour laquelle