Page:Yver - Un coin du voile.djvu/95

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chaque matin, des assiettes dans l’évier de l’étroite cuisine ? L’avocate pâlirait toujours sur des dossiers de mineurs confiés d’office ? Le Président lassé, connaissant par cœur la défense, l’arrêterait encore maintes fois au premier mot de sa plaidoirie ? L’Ordre affecterait de ne la point prendre au sérieux ? Lachelier la blaguerait ?

Une demi-heure se passa, et mademoiselle Odelin demeurait là immobile, les coudes au drap vert du bureau. Quand elle releva la tête, ses yeux étaient rougis : elle n’avait pas retrouvé le sourire de vaillance qui répandait d’ordinaire une sérénité sur son délicat visage. Elle se pencha vers le foyer, caressa doucement la frileuse Minette.

— Minette, dis-moi, que faut-il faire ? Ce devoir qu’on m’impose me semble sans utilité ni raison. L’est-il, Minette, ou bien un affreux égoïsme me souffle-t-il ce mauvais conseil ? Rapprocher cet homme et cette femme serait-ce une bonne action, serait-ce créer de la nouvelle misère ? Mais, ma pauvre Minette, tu as beau me regarder avec toute ta petite âme inconnue