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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/130

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Elle avait saisi la fiole minuscule et l’avait cachée dans son sein. Elle haleta :

"Quand me donnerez-vous... l’autre poison... celui qui complète... et qui foudroie ?

— Le positif, madame ? La rose, n’est-ce pas ? Quand vous voudrez ! Je vous en enverrai tout un bouquet."

Léonora se leva et se dirigea vers la porte que Lorenzo lui ouvrit. Au moment de la franchir, elle se retourna, saisit la main du marchand d’herbes et, les yeux dans les yeux, d’une voix sourde :

"Silence, oh ! silence, n’est-ce pas ? Ta part sera telle que si je te la disais, tu serais ébloui... Silence !"

Lorenzo haussa les épaules. Et elle s’enfuit, s’évanouit dans les ténèbres. Le nain, alors, cadenassa la porte et un large rire silencieux fendit sa bouche d’une oreille à l’autre.

"Silence ? murmura-t-il. Mais alors, je n’aurais travaillé que pour le Concini ? Mais alors, je ne verrais rien, moi, ou pas grand-chose ! Non, non. Je veux qu’on se batte, qu’on se tue, qu’on se déchire, que des fleuves de sang coulent en torrents rouges éclairés par la torche des incendies magnifiques ! Je veux... je veux... bégaya-t-il avec une rage désespérée, je veux me venger de l’humanité tout entière, moi, avorton d’humanité !"

Il s’assit à une table, et se mit à écrire :

Monseigneur, ce soir, Léonora Galigaï empoisonnera le roi de France qui, selon toute probabilité, mourra dans les huit jours. Si vous ne voulez que la couronne passe sur une tête indigne, tenez-vous sur vos gardes ! Veillez dès demain !

Il frappa au plafond avec un long bâton.

Le bruit d’un pas pesant se fit entendre. Puis, une sorte de colosse apparut au haut d’un escalier de bois qui commençait au fond de la boutique. Le géant descendit, s’approcha du nain, et se tint respectueusement immobile. Lorenzo lui remit la lettre qu’il venait de cacheter, et prononça :

"Pour le duc d’Angoulême. S’il te demande de quelle part tu viens, tu lui répondras que tu es envoyé par le nain qui, dans la maison de Meudon, lui a prédit la royauté."