Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/131

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Après sa rencontre avec le roi, Concini, Richelieu, Angoulême et Cinq-Mars, Capestang était rentré à l’auberge du Grand-Henri où Cogolin, tout d’abord, lui avait raconté que le jeune marquis courait après lui pour le pourfendre.

"Je le sais, dit Capestang, puisqu’il m’a rattrapé.

— Ah ! Et monsieur le chevalier n’a pas été pourfendu ? demanda Cogolin. Alors, c’est que M. le marquis est mort.

— Non pas. Il vit. Seulement, je te préviens qu’il est plus enragé que jamais. D’ailleurs, je commence à croire que les gens de Paris ont tous été mordus et qu’ils veulent me mordre. Et puis, figure-toi que j’ai dormi sous un sapin, et que j’ai rêvé sang et massacre. Mauvais signe, Cogolin !

— Mais non, monsieur. C’est signe d’argent. Massacre, c’est prospérité. Sang, c’est argent.

— Je le veux bien. Mais est-ce que ce ne serait pas aussi signe de dîner ?

— Oui, vraiment", fit Cogolin qui désigna à son maître une table toute dressée.

Capestang attaqua aussitôt les diverses victuailles dont s’adornait la nappe éblouissante, notamment un de ces fins pâtés d’alouettes dont maître Lureau était l’inventeur et dont la réputation est venue jusqu’à nous. Lorsque le chevalier eut satisfait cet appétit, que ni les émotions ni l’amour ne parvenaient à émousser, ce fut au tour de Cogolin. Seulement, Cogolin, respectueux de la hiérarchie, mangea debout ce qui restait du pâté (il n’en restait que la croûte) et vida les fonds de bouteille.

"Si monsieur le chevalier voulait me raconter sa journée, dit-il, ce me serait un dessert de roi."

Capestang ne se fit pas prier. Le chevalier se mit à raconter au valet les multiples incidents de sa journée. Il résulta de ce récit que Cogolin ne put s’empêcher de se lamenter en ces termes :

"Avec tant d’ennemis, que va devenir mon maître ? Sûrement, il sera haché menu comme les alouettes de maître Lureau. Et moi qui suis son valet, le moins qui puisse m’arriver, c’est d’être taillé en fines bardelettes de lard comme celles qui enveloppent lesdits pâtés ; car je ne puis prétendre