Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/134

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qui plaît tant aux femmes, dont le suprême idéal est d’inspirer à la fois l’émotion et le respect.

La folle ne sembla pas avoir vu Capestang. Ses yeux, d’un bleu intense, regardaient au loin et semblaient avidement interroger l’horizon. Et elle murmurait de confuses paroles que Capestang n’entendait pas. Tout à coup, elle vit le chevalier et, passant d’une pensée à une autre avec la rapidité des cerveaux que rien ne guide plus, elle se mit à sourire.

"Madame, dit Capestang, lorsque j’ai eu l’honneur de vous voir ici même, vous avez bien voulu me donner rendez-vous. Vous m’avez dit : « Le 22 août, au moment où le soleil descend derrière les arbres. » Nous sommes au 22 août, et, tenez, voici que le soleil disparaît, et me voici !

— Le 22 août ! balbutia la folle. Où ai-je entendu ces mots ? Qui les a prononcés ? Charles, mon Charles, est-ce toi qui parlais derrière cette porte ? Qu’ai-je encore entendu ?"

Capestang écoutait de tout son être. Violetta se taisait. Elle se penchait dans l’attitude de quelqu’un qui écoute. Il se faisait un grand travail dans sa tête ; son effort pour éveiller la mémoire presque éteinte était visible, et le chevalier en éprouvait une sorte de pitié à voir ses traits si fins se convulser.

"Qu’ai-je entendu encore ? continua la folle. Oui, c’est Charles qui parle. Et, maintenant, voici une autre voix : « Duc d’Angoulême, il est temps d’agir !... »

— Le duc d’Angoulême ! fit sourdement le chevalier.

— Charles répond ! continua la folle. Il leur dit... que leur dit-il ? Le 22 août... oui ! ce sont bien ces mots que j’ai entendus... la maison qui est au bord du fleuve... mon hôtel...

— L’hôtel d’Angoulême ! murmura le chevalier haletant.

— Et puis ?... et puis... oh ! les mots écrits dans le bronze !... les mots qu’il faut toucher du doigt... je ne me souviens pas... oh ! je me souviens... Je charme... je... charme...

Je charme tout ! La devise de Marie Touchet gravée dans le bronze sur la porte de l’hôtel d’Angoulême ! Ah maintenant, je connais le secret de cette porte ! Maintenant, je sauverai le père, comme j’ai sauvé la fille !"

La folle descendit les marches du perron, de ce pas de gracieuse majesté qu’ont les déesses d’Homère et de Pindare. Elle s’approcha du chevalier et lui prit la main.

"Vous me plaisez, dit-elle en souriant. Voulez-vous que je vous lise votre bonne aventure dans la main ? Autrefois, je savais. Et puis je chantais. Voyons votre main. Que vois-je ? Des dangers, et du sang, beaucoup de sang... et des ennemis autour de vous ! Fuyez enfant, fuyez ! Écoutez la voix prophétique. Prenez garde ! Défiez-vous du fruit que vous mangez, car il est empoisonné... du mendiant qui vous demande l’aumône, car il cache un poignard sous son manteau,