Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/137

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Mars apparaissait à ce moment dans la cave et allait se placer en surveillance au haut de l’escalier par où était descendu Capestang. On entendit sa voix qui descendait :

"Je suis à mon poste, monseigneur !

— Bien, mon enfant !" cria la voix que Capestang avait déjà cru reconnaître.

"Cette voix ! Cette voix ! murmura Capestang avec une indéfinissable angoisse. Oh !... mais… c’est lui... c’est la voix de l’homme masqué de la route de Meudon ! L’homme qui parle ici en maître... eh bien, ce ne peut être que le duc d’Angoulême !... Et c’est ce même homme qui veut me tuer, qui m’accuse de rapt et m’appelle misérable ! C’est le père de celle que j’aime ! Celui que je viens sauver !... Oh ! quand je devrais y perdre la vie, il faut que je sache !..."

La tête perdue, bouleversé par une de ces émotions comme jamais il n’en avait éprouvé, le chevalier rentra dans la cave rectangulaire. Et là, il s’arrêta, comme frappé de la foudre. La porte de la pièce mystérieuse, où étaient rassemblés les conspirateurs, oui cette porte, après la sortie de Cinq-Mars, était demeuré entrouverte ! Et, par l’entrebâillement, Capestang, de ses yeux hagards, reconnut à son costume l’homme masqué qui l’avait insulté sur la route de Meudon ! Et, du costume remontant au visage, il reconnaissait le duc d’Angoulême, qu’il avait vu à l’auberge de la Pie Voleuse ! Hors de lui, le chevalier allait s’avancer, entrer, braver le duc... Soudain, il demeura rivé à sa place, les cheveux hérissés, une sueur d’épouvante au front. De nouveau, le duc d’Angoulême parlait et, cette fois, il disait :

"Messieurs, nous sommes ici les chefs de l’entreprise. La nouvelle est d’une gravité suprême. Il faut que, dès demain matin, nous soyons prêts à tout ! Car cette nuit, messieurs, cette nuit, on empoisonne le roi de France !"

« Cette nuit, on empoisonne le roi de France !… »

Ces paroles retentirent comme un coup de tonnerre aux oreilles de Capestang. Un cri terrible lui échappa. A ce cri, un tumulte éclata dans la pièce où se tenait le duc d’Angoulême. La porte de la cave, violemment repoussée, fut inondée par la lumière des lampes qui éclairaient cette pièce. Et huit hommes se ruèrent en hurlant :

"Trahison ! Trahison !...

— Capestang ! vociféra le duc d’Angoulême en reconnaissant le chevalier. Ah ! misérable ! Deux fois traître ! Voleur de filles et voleur de secrets ! Cette fois, tu es mort !...

— Capestang ! rugit par-derrière la voix de Cinq-Mars. Tuez ! tuez ! messieurs."

Ces huit hommes étaient de hauts seigneurs, ducs, princes, la fine fleur de la noblesse de France. En toute autre occasion, ils se fussent crus déshonorés de tomber ensemble sur un seul homme. Mais cet homme avait entendu l’épouvantable secret. Cet homme, d’un mot, pouvait faire tomber leurs têtes ! Cet homme, c’était un espion !