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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/14

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Puis il revint à Léonora. A son tour, il se pencha sur elle, et de cette voix étrange du crime en méditation :

"Si le père résiste... s’il n’est pas dans nos mains comme une loque...

— Eh bien ? murmura Léonora dans un souffle.

— Eh bien ! il reste bien au marchand d'herbes du Pont-au-Change, à Lorenzo, quelques gouttes de cette eau qui ne pardonne pas ! Ce sera pour l'enfant !

— Cette fois, dit Léonora avec un calme effroyable, tu as compris !"

Ils se regardèrent, leurs visages tout près l’un de l’autre, tout pareils en ce moment, sous le fard des mêmes pensées mortelles… Et tout à coup, dans un brusque geste de passion, Léonora attira, enlaça la tête de Concini, et violemment, d’un âpre baiser frénétique, l’embrassa sur les lèvres.

"Quel âge, l'enfant ? demanda Concini en reprenant son sang-froid.

— Elle peut avoir dix-sept à dix-huit ans.

— Elle ! Une fille ! balbutia Concini.

— Oui. Qu’importe, d’ailleurs. Concino c’est aujourd’hui même qu’il faut agir. Il faut que demain matin cette fille se réveille ici, en notre pouvoir. Et alors, tu l’as dit, Concino c’est toi qui l’as dit ! Si le père résiste, malheur à l’enfant !

— Ce soir-même, j'agirai. Où trouverai-je la fille ?"

Léonora répondit :

"À Meudon. La dernière maison du village, à droite, en face d’une hôtellerie qui s’appelle l’Auberge de la Pie Voleuse."

Concini vacilla sur ses jambes. Il sentit ses cheveux se hérisser sur sa tête, et le froid des épouvantes se glisser comme un reptile glacé le long de son échine.

"Son nom ? râla-t-il. Le nom de la fille du duc !

— Giselle !" répondit Léonora Galigaï.

Le maréchal d’Ancre demeura foudroyé, muet d’horreur, incapable d’un geste, d’un mot ou d’une pensée, Léonora Galigaï l’enveloppa d’un dernier regard ; un sourire livide glissa sur ses lèvres ; puis, lente, silencieuse, elle se leva, se retira sans bruit, pareille à un spectre qui rentre dans ses ténèbres...