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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/141

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— Oui, monsieur, répondit Vitry avec une froideur terrible ; il a dit : lâcheté.

— Vous croyez ? Diable ! diable ! mon pauvre Vitry, comment allez-vous vivre avec ça sur la joue ?

— C’est bien simple, maréchal : je laverai !

— Et avec quoi ?

— Avec du sang !"

Ces quelques demandes et réponses faites d’une voix basse et rapide contenaient toute une tragédie. Au dernier mot de Vitry, Ornano se recula, demeura un instant pensif, puis, secouant sa rude tête de reître :

"Je m’en vais essayer de gagner quelques pistoles au jeu du roi. Ce sera toujours autant de pris sur ma solde arriérée."

Concini, ayant laissé son escorte dans le salon attenant à la galerie, s’élança dans un couloir, monta dans un escalier, et parvint à une antichambre où étaient postés en des attitudes raidies huit magnifiques suisses de la garde de la reine mère. Sans faire attention à ces hommes, Concini ouvrit une petite porte et passa dans une pièce déserte, où il attendit quelques minutes, palpitant, l’œil et l’oreille aux aguets.

Une tenture s’agita d’un mouvement imperceptible. Concini ne s’en aperçut pas. A pas furtifs, il se dirigea vers la porte qui faisait vis-à-vis à cette tenture et frappa un léger coup. La porte s’ouvrit. Une jeune femme apparut. Concini, sans un mot, tira de sa poche une bourse pleine d’or. La femme s’en saisit.

"Tu es toujours à moi ? murmura alors Concini.

— Puisque vous payez, monseigneur.

— Elle est là ? reprit-il d’une voix qui tremblait.

— Oui, monseigneur."

Concini poussa un soupir. A l’autre bout de la pièce, la tenture s’agita.

"Que fait-elle ? Que dit-elle ? Est-ce qu’elle pleure ?

— Elle est trop fière pour cela. Ce qu’elle fait ? Rien. Ce qu’elle dit ? Je l’ignore, car elle ne daigne parler qu’à la reine !"

Et la femme jeta un vif regard vers la tenture, qui s’immobilisa. Brusquement, Concini sortit de son pourpoint le minuscule flacon que lui avait remis Rinaldo et le tendit à la servante, qui l’examina curieusement.

"Écoute, dit-il alors d’une voix plus sourde. Il faut qu’elle en prenne trois gouttes tous les soirs pendant huit jours.

— Du poison ! ah ! monseigneur ! fit la femme en élevant la voix.

— Tais-toi, folle ! gronda Concini. Ce n’est pas du poison. C’est… comprends-moi… elle me déteste... et quand elle aura vidé ce flacon... elle m’aimera !

— Un élixir d’amour !

— Tu l’as dit !"