Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/150

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table et, au fond des ténèbres qui l’enveloppaient de leur suaire, au fond des ténèbres qui roulaient leurs volutes sur sa pensée, elle méditait.

Léonora Galigaï hésitait. Ce roi, cet obstacle, cet ennemi, c’était un adolescent. A peine un peu plus de quinze ans. Il était beau, un peu triste de se sentir si seul, il aspirait la vie, inspirait la pitié, et il fallait le tuer ! Ce mot éclata comme un coup de tonnerre dans l’esprit de Léonora. Dans le même instant, elle fut debout. Presque aussitôt, lente, rigide, le front dur, légère, invisible, impalpable pour ainsi dire, l’empoisonneuse se mit en route vers la chambre du roi, vers le meurtre !

Léonora Galigaï connaissait admirablement le Louvre dans ses tours et détours. Mais sans doute elle avait longuement et depuis longtemps étudié le chemin qu’elle parcourait. Car non seulement elle ne se trompait pas à chacun des nombreux carrefours de corridors qu’elle rencontrait, mais encore elle marchait avec la même sûreté qu’en plein jour.

Louis XIII couchait dans une vaste chambre située au-dessus du cabinet des armes de Charles IX. Dans l’antichambre, dormait le valet préféré du roi. En avant de l’antichambre, il y avait une pièce assez vaste, où se tenaient les gardes. Il était donc impossible d’arriver la nuit jusqu’au roi sans passer d’abord sur le ventre à douze hommes bien armés, puis sans tuer le valet de chambre.

Maintenant, si nous pénétrons dans la chambre royale, voici ce que nous voyons.

Deux hautes fenêtres qui donnent sur la Seine et dont les rideaux de brocart sont hermétiquement clos. Les murs sont recouverts de soie bleue fleurdelisée d’argent. Une table en bois d’ébène au milieu. Sept ou huit immenses fauteuils du temps d’Henri III. Enfin, un lit monumental dont les tentures sont faites de la même étoffe que les rideaux des fenêtres. Près de la tête du lit, une petite table. Et sur cette table, dans une amphore de cristal enchâssée d’or, la boisson rafraîchissante que le jeune roi a coutume de boire quand il se réveille la nuit. À côté, une coupe d’or.

Tout contre la tête du lit, une toute petite porte se dissimule dans la soie des tentures murales... cette porte est condamnée !... Car cette porte, si le jeune roi de quinze ans pouvait l’ouvrir, eh bien ! il trouverait là le chemin qui conduirait à l’appartement de la jeune reine Anne ! Un étroit couloir où nul ne peut entrer !... Le roi a épousé depuis dix mois Anne d’Autriche. Mais ils sont si jeunes tous deux ! Ce n’est encore qu’un mariage politique ; plus tard, quand la reine mère le jugera convenable, alors seulement la petite porte s’ouvrira, la porte qui conduit à l’amour ! En attendant, elle est condamnée, la petite porte d’où viendra l’amour.

Dans le lit immense, vaguement éclairé par les dernières