Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/168

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des attitudes immobilisées ; la rumeur s’éteignit soudainement ; un silence énorme pesa. Louis XIII jeta un regard sombre sur l’amphore brisée, puis sur la coupe, puis sur le chevalier évanoui. Puis, ce regard, il le ramena sur la foule qui avait envahi la chambre. Alors, peu à peu, soit qu’il voulût donner le change, soit que ses nerfs se fussent détendus, soit enfin que ce qu’il voyait fût plus comique encore que ce qu’il avait deviné n’était effroyable ; alors, disons-nous, un sourire entrouvrit ces lèvres qui si rarement souriaient. Une flamme de malice pétilla dans ces yeux toujours inquiets. Et enfin, chose inouïe, pour la première fois, gardes, officiers, courtisans et valets entendirent le rire du roi ! Louis XIII éclatait d’un rire inextinguible !

"Oh ! celui-ci ! avec son nez vert !... Et celui-là, rouge et bleu !... Oh ! en voilà un tout jaune !... Et celui-ci ! sa barbe violette !..."

Le roi riait, se pâmait dans son fauteuil, regardait à droite, à gauche, et plus il voyait de ces étranges figures badigeonnées, plus il riait. Et derrière la petite porte, l’empoisonneuse écumait.

Alors, ce fut une autre rumeur qui éclata dans la chambre royale. Un éclat de rire fusa, monta, gronda, un homérique éclat de rire qui fit trembler les vitraux et ce fut ce rire immense qui réveilla Capestang. Il ouvrit les yeux. Il vit ces bouches fendues jusqu’aux oreilles, ces panses agitées par un rire épileptique qui était la flatterie adressée au rire du roi, il vit ces visages barbouillés, ces costumes bigarrés étrangement, il se releva, étonné d’abord, puis il dit :

"Les camions, parbleu ! Prenez garde aux camions !

— Allez, messieurs, disait le roi toujours riant. Allez vous débarbouiller !"

Brusquement, le rire homérique s’arrêta : d’un geste, le roi renvoyait tout le monde. En quelques instants, la chambre fut vide. La porte se referma. Louis XIII et le chevalier de Capestang demeurèrent seuls en présence. La figure du roi était redevenue sombre. Il avait jeté sur ses épaules un long manteau par-dessus son costume de nuit et se promenait à pas lents. Immobile et raide, Capestang attendait.

"Chevalier de Capestang, asseyez-vous, là, dans ce fauteuil, dit tout à coup Louis XIII.

— Chevalier de Capestang ! Bon ! murmura l’empoisonneuse.

— Sire, fit l’aventurier, si peu au fait que je sois des usages de la cour, j’ai toujours entendu dire par mon père qui a servi le roi votre père qu’un bon sujet ne s’assied pas en présence de la majesté royale.

— Asseyez-vous", répéta doucement le roi.

Capestang s’inclina et obéit. Il prit place dans le fauteuil que Louis