Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lui désignait. Et il poussa un soupir. Vraiment, il avait besoin d’un peu de repos. Le roi, tout à coup, se baissa et ramassa un énorme pinceau... puis un autre.

"Qu’est-ce cela ? fit-il.

— Mes armes ! sire !" dit Capestang.

Le roi, de nouveau, éclata de rire, s’assit devant le chevalier, jeta dans un coin les deux pinceaux et, se penchant vers l’aventurier :

"Expliquez-moi... Oh ! ce doit être amusant comme un conte de fées !"

Capestang commença le récit de l’épique bagarre où les camions de peinture avaient joué un rôle si prépondérant. Il dit sa course affolée, son arrivée dans le corps de garde, sa terrible impatience, et sa résolution de parvenir tout de suite auprès du roi, et ce qui s’en était suivi. Étonné de tant d’audace déployée, de tant d’ingénue fierté dans ce récit tracé à grands traits, le roi, sous le charme, admirait ce fin visage étincelant, ces gestes d’héroïque emphase, il écoutait cet homme qui avait tenu tête à tout le Louvre. Et quand ce fut fini, il écoutait encore. Longtemps, Louis XIII demeura silencieux, pensif. Puis un frisson le secoua, et il aborda la question redoutable :

"Pourquoi cette impatience d’arriver près de moi ?

— Parce qu’il fallait arriver à temps pour briser ce flacon, sire ! Pour crier à Votre Majesté : « Sire, ne buvez rien, cette nuit, ne mangez rien ! »"

Il y eut un nouveau silence, terrible cette fois. Sur le front du jeune roi passaient les reflets des pensées d’épouvante et d’horreur, il se pencha vers le chevalier, et, d’une voix sourde, basse, qu’il semblait redouter d’entendre lui-même, après une hésitation, brusquement :

"Je devais donc être empoisonné cette nuit ?

— Oui, sire !" répondit nettement le chevalier.

Les yeux de Louis se dilatèrent. Les ailes du nez se pincèrent. Ses joues prirent la couleur du lis. Il serra son front dans une de ses mains, et murmura :

"Je succomberai ! D’abord on a essayé de me tuer en affolant le cheval que je montais. Cette nuit, on essaie de me tuer par le poison. Demain, on tentera autre chose. Le crime rôde autour de moi. Il y a longtemps que je l’ai deviné. On veut ma mort, chevalier ! Je suis condamné… je succomberai !"

Le chevalier eut un regard de pitié pour ainsi dire fraternelle pour l’adolescent qui se penchait ainsi sur l’abîme, sachant que l’abîme, tôt ou tard, l’attirerait, le dévorerait.

"Non, sire, vous ne succomberez pas, dit-il avec fermeté. Défendez-vous ! Attaquez au besoin ! Les empoisonneurs, ceux qui dans les ténèbres méditent le crime, sont toujours lâches. Ils ont peur. Ils tremblent. Sire, ouvrez les yeux, regardez autour de vous, et quand vous aurez reconnu où est le danger, attaquez