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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/173

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— L’ordre, sire, l’ordre ! L’ordre de bataille, mon roi !

— L’ordre, mon chevalier ! Voici le premier, le plus terrible de tous, Chevalier, le duc de Guise est mon ennemi, et je ne le compte, pas. Le prince de Condé est mon ennemi, et je le dédaigne. Rohan, Épernon, Montmorency, Bouillon, Cinq-Mars, Vendôme, cent autres puissants seigneurs sont mes ennemis, et je ne les compte pas. Dans mon Louvre même, près de moi, M. d’Ancre est peut-être mon ennemi, on me le dit du moins ; mais je méprise Concini. Je crois, oui, que ma mère elle-même est mon ennemie... et je ne la redoute pas ! Tout cela n’est rien. Chevalier, c’est au plus épais de la mêlée que je vous lance ; c’est tout de suite, du premier coup, sur l’homme qui a pu un moment faire trembler Henri IV, l’homme qui compte ! Car il est de sang royal ! Car il représente la race que ma race a détrônée ! Prenez garde ! Celui-là c’est un fils de roi qui veut être roi ! Il est la tête de cette armée de conspirateurs dont Guise et Condé, Vendôme et Cinq-Mars, Rohan et Montmorency ne sont que de simples lieutenants ! il y a autour de lui dix mille gentilshommes prêts à le porter sur le pavois. Lui à terre, tout s’écroule, et je règne ! Chevalier du roi, voici l’ordre, le premier ordre : cet homme, cherchez-le, trouvez-le, et, quand vous l’aurez trouvé, provoquez-le ! Et quand vous le tiendrez au bout de votre épée..."

Capestang livide les yeux agrandis par une sorte d’horreur, laissa échapper un râle que Louis XIII prit pour une interrogation.

"Eh bien ! acheva le roi d’une voix sourde, quand vous le tiendrez au bout de votre épée… tuez-le !

— Son nom ! râla Capestang, frappé de vertige – et ce nom, déjà, retentissait en lui depuis une minute.

— Charles, bâtard de Valois, comte d’Auvergne, duc d’Angoulême ! répondit Louis XIII.

— Le père de Giselle !" bégaya au fond de sa pensée Capestang, qui étouffa une imprécation de désespoir.

Il y eut comme un fracas dans l’âme du chevalier : le bruit effrayant de toute sa jeune fortune qui se disloquait et tombait en ruines.

Pendant une inappréciable seconde, Capestang essaya de lutter. Que lui demandait-on ? de provoquer et de tuer en combat loyal l’ennemi acharné du roi. Cet homme qu’il s’agissait de tuer l’avait insulté, avait voulu le tuer, lui, Capestang. Ce roi qui lui demandait de marcher au combat lui offrait cette fortune qu’il était venu chercher à Paris, mais plus radieuse mille fois que toutes des fortunes entrevues dans ses rêves les plus exorbitants.

"Rien de plus ! se hurla Capestang. Il n’y a que cela !"

Il y avait autre chose ! Il y avait que l’homme à tuer était le père de Giselle ! Il y avait que dans les couches profondes