Aller au contenu

Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

doubles, voilà tout. Mais je suis honteux de vous laisser m’entretenir de pareilles misères. Parlons un peu de vous. Vous au tripot ! Auriez-vous besoin d’or ? J’ai dix-huit cents livres qui, de ma poche, se trouveront fort honorées de passer dans la vôtre. Pardonnez-moi mon offre, Marion, si elle vous offense, ajouta le chevalier avec un accent de douceur étrange et charmante."

Marion Delorme, d’un geste aussi doux que l’avait été la voix de Capestang, repoussa la main pleine de pistoles qui était tendue.

"Chevalier, dit-elle avec une sorte de mélancolie exquise, et en même temps une hardiesse de paroles stupéfiante, moi qui suis venue faire fortune avec la beauté de mon corps, moi qui suis venue à Paris pour me vendre le plus cher possible, laissez-moi le bon, l’heureux souvenir de m’être donnée une fois pour rien... oh ! pardon : pour le bonheur de me donner. Pourquoi je suis ici ? Parce que j’ai besoin de connaître Paris. Hier, au sermon de Notre-Dame, ce soir au tripot, demain ailleurs, je veux tout voir, tout entendre. Et j’ai déjà vu beaucoup, j’ai entendu... oh ! j’ai entendu... tenez, chevalier, prenez garde... non ; je ne puis parler ici ; venez me voir demain.

— À l’hôtellerie des Trois-Monarques ? fit le chevalier étonné du tremblement convulsif qui agita Marion.

— Oui. J’y suis encore, en attendant mieux. Je vous dirai ce que j’ai entendu, ajouta-t-elle en frissonnant. Mais vous, de votre côté, vous me direz ce qu’est devenu ce jeune homme qui vous chercha querelle sur les bords de la Bièvre. Il faut absolument que je lui parle.

— Le marquis de Cinq-Mars !" s’exclama Capestang d’une voix rauque, en même temps qu’une sourde douleur le poignait au cœur.

Le marquis de Cinq-Mars ! Le fiancé de Giselle !

"Oui : Cinq-Mars, reprenait Marion Delorme. Si vous ne savez pas où il est, cherchez-le, dites-lui que je l’attends."

Et tout bas, elle ajouta :

"Il me le faut. Lui seul peut me sauver d’un danger qui me menace.

— Lui seul ? fit Capestang en fronçant les sourcils. Et moi ?

— Lui seul vous dis-je ! Me promettez-vous de me l’envoyer ?

— Marion, murmura Capestang d’une voix assombrie, vous ne pouvez comprendre combien il peut m’être dur de me trouver en présence de cet homme et de lui parler. Mais puisque seul il peut vous sauver d’un danger que j’ignore, je le chercherai, je le trouverai, je lui dirai que vous l’attendez : vous avez ma parole."

Il lui avait offert la main et il la conduisait maintenant vers