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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/196

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l’antichambre. Ils commencèrent à descendre l’escalier. Elle continuait à frissonner, et parfois levait sur le chevalier un regard chargé d’un mystérieux effroi.

"Vous viendrez chez moi demain, n’est-ce pas ? reprit-elle. Il le faut. Il faut que vous sachiez... car si une chose m’a étonnée ce soir, chevalier, c’est de vous voir vivant encore ! Je vous dirai, je vous expliquerai. Mais, dès maintenant, dès cet instant, prenez garde… Oh ! prenez garde..."

Elle se pencha vers lui et, dans un souffle :

"Prends garde à l’évêque ! au duc de Richelieu !"

Et Marion s’élança dans son carrosse où, mystérieuse et légère, elle disparut. A ce moment, un homme qui, penché sur la rampe, les avait regardés descendre, les avait suivis d’un œil avide et sournois, descendit à son tour lentement. Cet homme, c’était Laffemas.


Notes :


Capestang était demeuré tout étourdi : d’abord de la singulière chance exceptionnelle qui, pour la première fois où il mettait les pieds dans un tripot, le faisait riche de tout près de deux mille livres, ensuite de sa rencontre avec Marion Delorme, qui, chose étrange, ne lui avait pas dit un mot de cet amour dont elle l’avait poursuivi ; enfin de cet avertissement qu’elle venait de lui jeter en s’enfuyant : « Qu’est-ce que je puis bien avoir fait à ce monseigneur de Luçon ? » Tout en raisonnant, notre héros s’avançait vers le Pont-au-Change, la main sur la garde de la rapière, l’oreille tendue, l’œil aux aguets, s’attendant à voir tomber sur lui Louvignac et Bazorges, et s’apprêtant à les recevoir de son mieux.

Il arriva au rendez-vous assigné ; ne voyant personne, il fit quelques pas sur le pont, en redoublant de vigilance, car chacune des maisons bâties des deux côtés du pont pouvait être un abri pour des assaillants. Comme il s’arrêtait, il entendit un bruit derrière lui. Il se retourna et vit une ombre qui s’avançait. L’ombre demanda :

"Est-ce vous, monsieur le chevalier de Capestang ?

— Je le calomniais ; il est seul, songea le chevalier. Oui, monsieur de Louvignac, répondit-il, c’est moi : tout à votre service.

— Bon ! fit Louvignac d’une voix qui vibra étrangement. Tenez-vous bien. Je vous charge !"