Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/201

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— Capestang ! bégaya Cinq-Mars frappé de stupeur.

— Peu importe. Adieu, monsieur. J’espère vous retrouver un jour que vous serez en état de tenir une autre conversation que celle-ci.

— Capestang !" répéta Cinq-Mars sans entendre cette provocation, ému par l’acte de générosité de son ennemi, d’une de ces puissantes émotions qui bouleversent un cœur et déracinent ses haines.

Et, entraîné par un irrésistible mouvement, il allait courir après Capestang qui déjà se retirait, lorsque le chevalier revenant soudain sur ses pas, avec un rire étrange :

"Pardieu ! J’oubliais que je me suis chargé d’une commission. Que j’ai promis de vous chercher, de vous trouver…

— Une commission ! balbutia le jeune marquis interdit de ce rire funèbre et de cet accent furieux plus encore que des paroles. Et de quelle part ?

— De Mlle Marion Delorme !"

Un frémissement de rage secoua Cinq-Mars. Il devina ou crut deviner une raillerie, une insulte dans ces mots. Il aimait Marion. Dès le premier instant où il l’avait vue, la passion était entrée en lui. Mais, dès ce premier instant aussi, il avait vu Marion éprise de Capestang et il s’était mis à le haïr. Puis était venu le fameux dîner à l’hôtellerie des Trois-Monarques, dîner où, selon les apparences, Capestang l’avait indignement joué, puisqu’à la suite même de cette réconciliation était venue ce qu’il appelait la trahison de Marion ! Et maintenant cet homme qui était l’amant de la perfide Marion, cet homme l’insultait, l’accablait, en lui signifiant hautement que sa liaison avec Marion durait toujours.

"Monsieur, dit Cinq-Mars, en grinçant des dents, vous êtes encore sous la protection de service que vous venez de me rendre. Mais prenez garde de me pousser à bout !

— Je ne vous comprends pas, fit le chevalier. En tout cas, vos impertinences pourront peut-être me forcer à vous couper les oreilles, mais elles ne peuvent me faire oublier que j’ai donné ma parole à une femme. Que cela vous plaise ou non, vous saurez donc que j’ai, ce soir même, eu l’honneur de rencontrer Mlle Marion Delorme.

— De la rencontrer ! Vous ne la voyez donc pas tous les jours ?"

Cinq-Mars était en effet sincèrement convaincu que Capestang passait son existence aux pieds de Marion, comme Hercule aux pieds d’Omphale.

"Vous me faites pitié, dit Capestang. Et vous m’exaspérez à la fin avec votre Marion. Est-ce que je la connais, moi ? Est-ce que je veux la connaître ? Mais finissons-en, monsieur. Voici en propres termes ce que j’ai accepté de vous faire savoir : elle vous attend à l’hôtellerie des Trois-Monarques.