Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/214

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Elle était sublime.

"Monsieur de Luçon, dit-elle en se tournant vers l’évêque, je ne crois pas me tromper en affirmant que vous n’en aviez pas fini et que vous aviez encore un ou plusieurs renseignements à nous donner. Vous voyez que M. le maréchal est souffrant. Voulez-vous condescendre jusqu’à vouloir bien me suivre dans mon oratoire ?"

Concini ne fit pas un geste pour s’opposer à cet arrangement. Il vivait une de ces minutes où tout disparaît, calculs, ambition, force morale, où la passion s’installe en souveraine sur un cerveau d’homme et défend à tout autre sentiment d’y entrer. Quelques instants plus tard, Richelieu se trouvait dans l’oratoire de Léonora, luxueuse salle meublée avec élégance et richesse.

"Qu’aviez-vous encore à dire, à monsieur le maréchal ?" demanda-t-elle, autoritaire et prestigieuse, comme elle l’était avec tous ceux qui l’approchaient.

Le front de Richelieu s’assombrit. A son tour, il frissonna, non d’amour, mais de haine. Il comprit que tout ce qu’il avait dit dans le cabinet de Concini n’était que pour amener ce qu’il allait dire. Sa voix se fit âpre et sifflante :

"Madame, vous êtes un grand politique, et vous comprendrez que souvent le destin d’un État dépend d’un être infime, que souvent la carrière d’illustres personnages est arrêtée, brisée par un de ces hommes trop bas placés pour attirer l’attention."

Léonora tressaillit. Un flot de haine souleva son sein. Car, de ces êtres infimes, elle en connaissait un ! De ces hommes placés si bas, il y en avait un qui avait sinon brisé, du moins arrêté par deux fois sa carrière !

"Capestang ! grinça-t-elle au fond de sa pensée. Oh ! si mon pressentiment pouvait ne pas me tromper ! Oh ! si ce prêtre allait me livrer l’infernal Capestang ? Je lui pardonnerais de ressusciter Giselle !"

Richelieu étudiait Léonora de son regard étrangement clair. A ce moment, les yeux brûlants de Léonora se posèrent sur lui. Et il comprit que leurs pensées étaient à l’unisson.

"Madame, dit Richelieu, l’arrestation d’Angoulême sera une faute ; la disparition de Giselle sera un crime ; toutes nos tentatives pour... sauver l’État avorteront misérablement, si celui dont je vous parle n’est pas réduit à l’impuissance. Ce n’est pourtant ni un prince comme Condé, ni un duc comme Guise, ni un favori comme Luynes. Mais c’est un esprit fulgurant. C’est un cœur indomptable. C’est une lame d’épée vivante. Il s’appelle le chevalier de Capestang...

— Capestang ! gronda Léonora. Vous le connaissez donc ! Vous le haïssez donc, vous aussi !

— Oui, je le hais !"

Ce furent deux explosions d’âmes bourrées de haine jusqu’à