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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/237

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sans lumière une enfilade pièces, et, parvenu enfin à une sorte de cabinet, avait allumé un flambeau. Alors, il ouvrit un coffre, d’où il tira une cassette de fer qu’il posa sur table devant laquelle il s’assit. Ayant ouvert la cassette, il se mit à en examiner l’un après l’autre, les papiers qu’elle contenait. Le duc avait devant lui une fenêtre – celle-là même où Capestang, la nuit précédente, avait aperçu une lumière. Il avait à sa droite une cheminée pleine de cendres noires – les cendres des papiers politiques brûlés par Cinq-Mars. Il avait enfin derrière lui la porte par laquelle il venait d’entrer, et qu’il avait simplement poussée.

Il s’absorba dans son travail qui dura longtemps, deux ou trois heures, ou peut-être plus. Il mettait à sa gauche, sur la table, les parchemins qu’il voulait garder. Il roulait dans sa main ceux qu’il voulait détruire, puis les jetait dans la cheminée et les enflammait à l’aide du flambeau. Et dans le grand silence du vieil hôtel désert, rendu plus lourd par le silence énorme de Paris endormi, le duc absorbé, n’entendait que le léger froissement des papiers qu’il remuait, le crépitement étrange, fantastique du parchemin qui achève de brûler. Sa besogne terminée, il s’était accoudé à la table, la tête dans la main, et, s’enfonçait dans une rêverie qui aboutissait à la splendide vision de la royauté.

"C’est fini, songeait-il. Dans deux heures, le mariage de ma fille et de Cinq-Mars sera un fait accompli. Dès lors, les amis du vieux marquis deviennent mes amis. Tout est prêt. Guise et Condé me soutiennent. Il y a dans Paris trois mille hommes qui n’attendent que mon signal. La complicité de Léonora Galigaï m’assure la victoire. Dans deux jours, tout sera fini. Je serai roi de France ! Roi ! ajouta-t-il en frémissant, roi de France ! Le plus beau royaume de la chrétienté ! à moi ! Oh ! je sens que je ferai de grandes choses. Allons, il est temps de retourner rue des Barrés."

Il plaça dans un portefeuille les parchemins qu’il avait mis de côté et glissa le portefeuille sous son pourpoint. Puis il se leva en soufflant le flambeau. Dans ce même instant, le duc se sentit frissonner de terreur.

Il avait soufflé sur le flambeau, la cire était éteinte, et pourtant le cabinet demeurait éclairé ! Le duc d’Angoulême se retourna d’un mouvement violent, et alors il demeura livide, un cri d’épouvante s’étrangla dans sa gorge. Dans le cabinet, à quatre pas de lui, il y avait un homme, immobile, l’épée à la main. Derrière cet homme, il y en avait sept ou huit autres également armés ; l’un d’eux portait un flambeau.

"Concini !" hurla le duc. En même temps, il saisit la table à pleines mains, la souleva de ses forces décuplées, la jeta entre lui et Concini pour s’en faire un rempart et tira son épée.