Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/238

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"Monsieur le duc, dit froidement Concini au nom du roi, je vous arrête.

— Vous m’arrêtez ! Vous ! vous ! Vous qui...

— Qu’on le saisisse !" vociféra Concini pour couvrir la voix du duc.

Les spadassins se ruèrent. Au premier coup que porta Angoulême, son épée se brisa. Quelques secondes de lutte, des soupirs rauques, des jurons, puis le silence.

Angoulême, bâillonné, garrotté, fut soulevé par dix bras, emporté, jeté dans un carrosse qui stationnait à la porte de l’hôtel. Là, il s’évanouit. Lorsqu’il se réveilla, il se vit dans une chambre aux murs épais et nus. Une étroite fenêtre garnie de barreaux y laissait entrer un peu d’air. Le duc s’élança à cette fenêtre et colla aux barreaux son visage convulsé. Et alors ses cheveux se hérissèrent, son cœur, un instant, cessa de battre, et de sa gorge s’exhala une clameur de désespoir terrible qui se perdit dans la nuit :

"La Bastille ! La Bastille !"


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En sortant de la Bastille, Concini et sa troupe s’élancèrent à pied vers la rue du Petit-Musc, qui aboutissait à la rue des Barrés. Deux hommes furent chargés de conduire tous les chevaux en bride jusqu’à une petite place située entre la rue des Barrés et la Seine, et qu’on appelait la place aux Vaux. Un troisième conduisit jusqu’à la porte de la maison de Marie Touchet le carrosse même qui avait servi à l’arrestation du père de Giselle.

Concini, à pas rapides, gagna donc la rue des Barrés et s’arrêta devant la maison. Il frémissait. La passion sauvage qui se déchaînait en lui le faisait trembler comme par un temps de froid, et pourtant la nuit d’été était chaude, constellée, paisible.

"Où la conduirons-nous ? lui demanda Rinaldo. À l’hôtel d’Ancre ?

— A ma maison de Reuilly, gronda Concini en respirant avec effort. Écoute Rinaldo. Il faudra que je rentre à l’hôtel. Car je prévois pour demain des événements qui... et enfin, il faut que ce soit moi qui annonce au roi la prise du duc. Tu te chargeras donc avec Montreval de la conduire à Reuilly. L’endroit est sûr. La marquise elle-même ignore que je possède cette maison. Tu me la garderas, mon bon Rinaldo."

Rinaldo fit la grimace et grommela :

"Vous oubliez, monseigneur, que nous devons faire encore