Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/242

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voix basse, Rinaldo souriait en homme à qui on propose une partie de plaisir ; il souriait et il y avait au coin de ses yeux un petit pétillement rouge.

"Si je crie Santa Maria, tu entends ? acheva Concini.

Santa Maria, soit ! ricana le bravo. Jamais Santa Maria n’aura été à pareille fête."

Concini ouvrit le poste, et fit signe à de Lux et de Brain de le suivre. Tous quatre sortirent de l’hôtel. Les deux agents de Marie de Médicis, voyant qu’ils n’étaient escortés que de deux hommes, se rassurèrent. Concini marchait à côté de Lux ; Rinaldo à côté de Brain.

"Messieurs, dit Concini, toute réflexion faite, j’aime mieux me rendre moi-même auprès de Sa Majesté ; la chose est d’importance ; et il faut que je vois la reine, malgré l’heure tardive."

Lux et Brain sourirent : ils savaient mieux que personne que Concini entrait chez la reine ou sortait de chez elle à des heures plus tardives encore : que de fois ils avaient secrètement monté la faction au passage que prenait Concini pour se rendre chez Marie de Médicis, et qu’ils appelaient le Pont d’amour ! Ils étaient donc parfaitement rassurés. On arriva au Pont-Neuf. Concini s’arrêta tout à coup.

"Est-ce que vous avez vu quelque chose, monseigneur ?" fit de Lux en portant la main à son épée.

L’endroit, en effet, était mal famé. Les tire-laine y pullulaient. Le guet, d’ailleurs, ne s’y hasardait jamais. A cette question, Concini répondit :

"Oui, messieurs, je viens de voir une chose : c’est que vous êtes des imposteurs."

De Lux et de Brain pâlirent.

"Monseigneur, gronda le premier, prenez garde, vous insultez deux gentilshommes de la reine !

— Fussiez-vous gentilshommes du pape, je vous dirais encore que vous avez menti, et je le prouve !

— Voyons la preuve !" ricana de Brain.

Concini paraissait fort calme. Quant à Rinaldo, il sifflotait. Deux contre deux. Lux et Brain n’avaient rien à redouter. D’ailleurs, ils se sentaient protégés par leur titre de gentilshommes de la reine, et puis ils avaient cette bravoure des gens qui se sont habitués à gagner richesse et titres en risquant leur peau tous les jours.

"Voici la preuve, reprit Concini. La maréchale que j’ai interrogée m’a assuré que vous ne lui aviez transmis aucun message de la reine. Donc, vous avez menti. Maintenant, j’ajoute : Messieurs, vous êtes des lâches."

Concini se croisa les bras. Rinaldo se rapprocha de son pas nonchalant, Lux et Brain se regardèrent et éclatèrent d’un rire strident. L’œil au aguets, la main à la poignée de la