Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/254

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Les deux hommes s’éloignèrent. Alors d’un recoin où il s’était jeté à plat ventre quelqu’un se leva et murmura :

"Ouf ! J’ai cru ma dernière heure venue et j’en ai encore la suée de mort dans le dos. Inutile d’aller plus loin il me semble ? Il rentre à l’auberge, c’est évident. Mais qu’a-t-il été faire dans la maison de Marie Touchet ? Et comment a-t-il pu y entrer ? Et pourquoi si longtemps y est-il resté ?... Nous le saurons, puisqu’il doit être arrêté cette nuit par les gens de Concini. En tout cas, il faut que Richelieu soit mis tout de suite au courant de ce nouvel accident."

Et Laffemas, après un dernier regard jeté dans la direction où Capestang avait disparu, s’élança, de son allure oblique et glissante de cloporte qui regagne son trou dans les ténèbres.


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Le chevalier de Capestang était seul au monde : pas de parents, pas d’amis. Il n’avait que Cogolin. Mais Cogolin était plus et mieux qu’un serviteur dévoué. Cogolin ne manquait ni d’esprit ni de cœur. Cogolin était parfaitement capable d’écouter avec le recueillement nécessaire le récit que le chevalier entreprit. En effet, Capestang voulait absolument raconter son bonheur à quelqu’un. Il raconta donc. Et Cogolin écouta. Après avoir raconté pendant deux ou trois heures, Capestang allait passer au détail de ce qu’il comptait entreprendre, lorsqu’un ronflement sonore et prolongé lui apprit la cause du religieux silence que gardait Cogolin. Capestang ne s’indigna pas. Il se contenta de secouer son écuyer sur le tas de foin où il s’était endormi – nous avons oublié de dire que cette scène nocturne se passait dans le grenier de l’ex-auberge.

"Cogolin, dit Capestang aussi froidement que cela lui était possible, aimes-tu mieux écouter ou être traîné par les pieds jusqu’à cette lucarne et précipité sur la route ?

— Mais, monsieur, j’écoute de toutes mes oreilles, bredouilla Cogolin en se réveillant.

— Mais tu écoutes aussi avec ton nez, puisque tu ronfles ?

— Monsieur, dit Cogolin, je vais vous dire. Lorsque j’enrage de sommeil comme en ce moment, et que, pourtant, la tyrannie d’un maître me force à veiller, eh bien, je veille, oui, par respect ; mais je me donne l’illusion de dormir en m’amusant à ronfler. Donc, j’écoute et je ronfle."

Cette explication suffoqua le chevalier, qui se fût sans doute porté à quelque excès d’indignation, si un bruit venu du dehors n’eût tout à coup attiré son attention : une voiture, ou