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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/261

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En même temps il saisit le cartouche qu’il avait accroché au mur et qui figurait les emblèmes de Condé ; ce cartouche, il le retourna, l’accrocha au même endroit, et l’on vit alors qu’il portait les même emblèmes, mais sans la barre ! La barre qui distinguait la branche des Condé de la branche royale n’y était plus ! C’était, dès lors, l’écu royal ! Les applaudissements éclatèrent ; les épées jaillirent hors des fourreaux et jetèrent des éclairs ; les bras armés d’acier se levèrent tout droit comme pour un serment ou une menace ; et les visages convulsés reflétèrent la violence des sentiments qui se déchaînaient dans ces âmes, tandis qu’une clameur palpitait comme une décharge d’arquebuses :

"Vive le roi !"

"Oh ! oh ! gronda Capestang. Vive le roi ! Lequel ? Ce n’est déjà plus Charles X, c’est-à-dire Angoulême ! Ce n’est plus Louis XIII. Oui, mais je suis le chevalier du roi, moi ! Attention, Capestang, voici enfin l’occasion de faire fortune et de conquérir Giselle !"

Dans la salle, le calme s’était rétabli. Rohan achevait :

"Il faut que ce soir M. le prince de Condé se décide. Quant à moi, messieurs, moi et mes amis, nous aurons quitté Paris dès demain, si de cette réunion ne sort pas le coup de foudre qui mettra en miettes le trône."

Tous les regards convergèrent sur le prince de Condé qui, blafard, le front couvert de sueur, était loin de montrer l’attitude d’un prétendant résolu à vaincre ou à mourir.

"Messieurs, dit-il, votre cause est la mienne. Nous avons pris avec le duc d’Angoulême et le duc de Guise des dispositions qui se trouvent anéanties par la trahison de Concini. Si notre féal ami le duc de Rohan nous prouve qu’il y a chance de succès, je suis prêt à risquer ma vie."

Rohan sourit. Il s’inclina devant le prince de Condé :

"Sire", dit-il...

Un tonnerre de bravos salua ce mot. Et Condé lui-même sentit une flamme monter de son cœur jusqu’à son front.

"Sire, dit Rohan, voici les dispositions que j’ai prises, moi, pour assurer le succès du coup de main d’où dépend votre fortune et la nôtre. Demain des bandes vont parcourir la ville dès le matin...

— Quoi ! dès demain ! interrompit le prince.

— Pourquoi attendre ? Et qu’attendrions-nous, monseigneur ? Une nouvelle trahison ? Monseigneur, il faut que nous sachions sur qui et sur quoi compter ; le moment est venu, et tout est prêt.

— Poursuivez votre démonstration, dit froidement Condé.

— Je poursuis. Ces bandes sont organisées. Elles ont chacune leur chef et leur mot d’ordre. En quelques heures, elles se grossiront de tous les mécontents de la ville et les mécontents, c’est Paris tout entier. Ces bandes, donc, ces fleuves