Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/260

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très bien que M. de Guise, manquant à la foi donnée, agit en secret et veut se passer de notre concours, il est juste et légitime que nous agissions de notre côté.

— Oui, oui !" crièrent les conjurés tout d’une voix.

Le prince de Condé seul demeura pâle et froid.

"Messieurs, continua Rohan, pourquoi le duc de Guise prétend-il nous évincer ? C’est qu’il est resté Guise. C’est qu’il est bien le fils de celui qui mit son pied sur le cadavre de Coligny. C’est que, comme son père, il est chef du parti catholique ; et que nous tous, messieurs, convertis ou non, nous sommes encore des huguenots.

— Oui, oui ! grondèrent les conjurés d’une voix furieuse.

— Le débat qui se poursuit aujourd’hui n’est donc qu’une nouvelle part du grand débat qui a abouti à la Saint-Barthélemy. Messieurs, voulons-nous nous laisser évincer, écarter de la vie publique, et peut-être encore massacrer ? Nous n’avons qu’à nous croiser les bras et laisser faire M. d Guise qui, avant un mois, sera ce que son père a rêvé d’être : roi de France Et si Lorraine règne, messieurs, malheur aux parpaillots maudits, convertis ou non !"

Un frémissement de rage et de haine parcourut l’assemblée. Le discours de Rohan n’était que l’exacte et forte impression d’une situation que chacun d’eux connaissait. Capestang vit des visages enflammés, des mains qui cherchaient la garde des épées, des yeux qui étincelaient.

"Corbacque ! fit-il, voilà des hommes qui se feront tuer jusqu’au dernier s’il le faut. Quoi qu’ils veuillent ou fassent, ce sont de rudes hommes.

— Messieurs, continua Rohan, la lutte n’a cessé d’être entre Guise et Condé. Pour en finir, pour unir nos efforts en vue du triomphe de la seigneurie sur les prétentions exorbitantes de la monarchie, partisans de Guise et partisans de Condé, nous avions écouté les conseils du vieux Cinq-Mars et adopté le duc d’Angoulême comme moyen terme. Mais puisque Angoulême n’est plus possible (« Pourquoi le père de Giselle n’est-il plus possible ? » se demanda Capestang), puisque la trêve entre Guise et Condé se trouve ainsi rompue, en avant, mordieu ! Tirons l’épée comme nos pères firent à Jarnac et à Moncontour ! Fonçons les premiers, abattons Lorraine, et France est à nous !"

Un trépignement d’enthousiasme prouva à l’orateur que tous les conjurés n’attendaient que le moment de foncer. Et un grand cri, alors, monta de cette assemblée :

"Barre à bas ! Barre à bas !

— Messieurs, balbutia le prince de Condé en se levant livide.

— Barre à bas ! Barre à bas !

— Eh bien ! oui, hurla Rohan. Barre à bas ! Messieurs, vive le roi !"