Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/264

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Sur son ordre, Cogolin ayant allumé une lanterne, ils pénétrèrent dans la grande salle où, comme on l’a vu, se trouvaient entassés cinquante costumes de gardes et les armes appareillées à ces costumes. Le chevalier ramassa dans un coin l’énorme trousseau de clefs que Rohan y avait jeté, ne gardant que celle de la porte extérieure. Ces clefs étaient soigneusement étiquetées. Capestang trouva donc facilement celle qu’il cherchait, c’est à dire celle de la cave. Alors, il commença à se charger les épaules de pourpoints, de jaquettes, de hauts-de-chausses, de tout ce qui lui tombai sous la main et descendit dans la cave où il déposa son paquet. Cogolin l’avait imité. Puis il y eut un second voyage, puis d’autres. En deux heures tout ce magasin d’équipement et d’armement avait été descendu dans la cave, dont Capestang referma la solide porte à double tour.

"Quel diable de travail avons-nous fait là ? demanda alors Cogolin.

— Tu le vois bien, imbécile : nous avons fait prisonnière une compagnie de gardes."

Là-dessus, Capestang grimpa au grenier, s’étendit sur son lit de foin parfumé et se mit à rêver à la journée du lendemain. Il finit par s’endormir en prononçant tout bas le nom de Giselle. Lorsque Capestang se réveilla, le soleil entrait par la lucarne et lui disait bonjour.

"Voici le grand moment, se dit-il ; si je n’accomplis pas aujourd’hui un coup d’éclat qui doit faire ma fortune, c’est que le fils de M. de Trémazenc n’est qu’un sot, un misérable tranche-montagne, un capitan, comme ils disent. Capitan ! Ah ! corbacque, je..."

Déjà il s’exaspérait et le sang lui montait à la tête, lorsque ses yeux tombèrent sur Cogolin qui, sur une caisse renversée, installait les éléments d’un substantiel succulent dîner froid. À cette vue, Capestang se découvrit une faim canine et tout aussitôt attaqua le jambon.

"Monsieur, demanda Cogolin, est-ce aujourd’hui que nous allons nous installer au Rameau-d’Or, dans cette hôtellerie qui est digne d’un Trémazenc de Capestang ? Il me semble que voilà assez d’honneur que nous avons fait à ce grenier ?

— Tu as raison, Lachance, dit Capestang. Mais le Rameau-d’Or paraît maintenant un bien pauvre logis. Ce soir, Cogolin, nous allons coucher au Louvre.

— Au Louvre ! s’écria Cogolin qui se sentit envahir par l’orgueil. Tiens au fait...

— À moins que nous ne couchions à la Bastille, ou au Temple, ou bien dans quelque basse-fosse où nous aura jetés M. le prince de Condé.

— Diable ! J’aimerais encore mieux le Rameau-d’Or ou même ce grenier, fit Cogolin avec une grimace.

— À moins que nous ne soyons couchés dans notre cercueil,